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Paris place de droit international

Commerce international

Et si Paris regagnait en influence?

Pas simple pour les entreprises françaises de naviguer dans la complexité. Le caractère international des transactions s’accélère. La multiplicité des acteurs devient la norme. Appréhender les problèmes juridiques que soulèvent les matières techniques comme les biotechnologie, le numérique et la finance constitue un enjeu de compétitivité.

Pour décider dans la confiance, connaitre les contentieux que ces matières provoquent est un avantage comparatif pour les entreprises françaises. C’est pourquoi il est essentiel de promouvoir Paris comme une place de droit international. A défaut, les champs précités seront, comme souvent, investis par les systèmes et juridictions étrangères.

Chambres commerciales internationales

La création des chambres commerciales internationales de Paris répond à deux facteurs principaux.

Le premier est structurel : les parties à un contrat du commerce international peuvent choisir leur juge et la loi applicable.

L’autre est conjoncturelle : le Brexit.

La décision du Royaume Uni de quitter l’Union Européenne ne lui permet plus de se prévaloir du régime de reconnaissance mutuelle des décisions rendues par les tribunaux des états parties au Règlement Bruxelles I bis.

Les décisions rendues par la Cour Commerciale de Londres ne bénéficient plus de l’exécution automatique dans les pays membres de l’Union Européenne. Cette instance était jusqu’ici locomotive du contentieux commercial mondial. Elle devra justifier de la procédure d’exequatur qui vient alourdir le processus.

Ces chambres internationales parisiennes ont donc vocation à connaître des contentieux internationaux. C’est une opportunité pour elle de bénéficier du « marché judiciaire » issu du Brexit.

Droit international des affaires

L’activité de la chambre internationale de la Cour d’Appel de Paris a débuté le 1er mars 2018.

Il ne s’agit donc pas de créer une juridiction nationale ad hoc pour connaître des litiges transnationaux du droit des affaires. Comme dans d’autres places judiciaires telles que Dubaï par exemple. ou encore comme en Chine. Ni de créer un nouvel ordre de juridiction.

À l’instar de l’Allemagne et des Pays-Bas, une chambre spécialisée au sein d’une juridiction existante a été créée.

L’intérêt pour les entreprises concernées et qu’elles peuvent choisir d’utiliser une autre langue que le français et en particulier l’anglais.

C’était déjà le cas de la chambre internationale du Tribunal de Commerce de Paris.

Mais les magistrats composant la chambre internationale du second degré de juridiction sont compétents en droit international des affaires. Ils ont aussi une connaissance de la Common Law et la maîtrise l’anglais.

Droit applicable

Les parties peuvent même faire le choix d’appliquer le droit anglais pour leurs affaires transnationales, si elles y trouvent un intérêt.

Prenons l’exemple d’un partenariat entre acteurs de l’industrie pharmaceutique. Le droit de l’état du Delaware était désigné comme la loi applicable au contrat.

Le contrat principal avait aussi prévu la compétence du juge de l’état du Delaware. Un débat a été conduit devant le juge local par les confrères américains. Un argumentaire autour du Forum Non Conveniens a été développé. Le juge a décidé qu’il serait plus opportun de faire examiner et trancher le litige dans le pays du lieu d’exécution des prestations. Il s’agissait de Paris.

Compétences

La mission de la chambre internationale est donc de traiter les litiges de nature économique ou commerciale ayant une dimension internationale.

Notamment quand l’opération à l’origine du litige n’a pas vocation à se dénouer économiquement dans un seul et même état. L’affaire doit impliquer un mouvement de biens, de services ou de capitaux au-delà des frontières.

Ces litiges contiennent un élément d’extranéité relevant du droit international privé. Domicile à l’étranger d’une des parties au contrat. ou du siège social. nationalité, lieu de conclusion et d’exécution du contrat, etc.

Les litiges traités peuvent couvrir plusieurs matières. Contrats commerciaux, rupture des relations commerciales établies, transport, concurrence déloyale, réparation de pratiques anti concurrentielles, opération sur instrument financier, sans que cela ne soit exhaustif.

Dès lors qu’un droit étranger est applicable dans le litige, la chambre internationale se verra préférentiellement affecter le dossier. Les parties peuvent en faire la demande dans leur acte introductif d’instance. C’est le cas si une loi de police étrangère est invoquée. Ou encore si une clause attributive de juridiction le prévoit.

Attractivité

Point fort de cette chambre : elle est composée de magistrats issus de secteurs professionnels diversifiés. Ils présentent une expérience internationale des affaires. Ils ont une maîtrise de la langue anglaise et une pratique expérimentée du contentieux.

Un autre avantage réside dans l’usage en partie flexible du code de procédure civile. Il est en effet possible pour les justiciables d’être proactifs sur cette question, par le biais de leurs avocats. Il est possible pour eux d’exploiter les dispositions relatives au calendrier de procédure. Dans certaines affaires, l’usage de l’anglais, l’audition de témoins ou d’experts, et la pratique des droits étrangers peut être souhaitable.

Procédure

Le protocole de procédure de la chambre internationale de la cour désigne expressément la compétence de celle-ci « pour connaître des litiges qui mettent en jeu les intérêts du commerce international ». Elle n’est qu’une chambre de la cour d’appel de Paris spécifiquement désignée sans pouvoir juridictionnel autonome.

Il s’agit d’une répartition en vertu de l’ordonnance de roulement de la cour. S’agissant d’une mesure d’administration de la justice, elle n’est pas susceptible de recours.

La procédure écrite de droit commun est applicable. La représentation par Avocat est obligatoire. Le protocole procédural peut comporter certaines adaptations par rapport au code de procédure civile. Mais les parties ne peuvent se le voir imposé.

Il n’y a pas de coût supplémentaire.

Cette chambre connaît déjà des recours exercés contre les décisions rendues en matière d’arbitrage international. Il s’agit notamment des recours en annulation des sentences arbitrales rendue en matière d’arbitrage international dans le ressort de la cour d’appel de Paris (article 1519 du code de procédure civile et suivants).

Agilité et innovation

La création de ces chambres vise à servir les entreprises françaises. Mais aussi pour s’adapter à leurs besoins.

C’est un avantage majeur pour les entreprises françaises. Elles peuvent ainsi disposer d’un argument important de négociation dans la rédaction de leurs contrats. Non seulement pour faire levier aux fins d’application de la loi française mais surtout sur la désignation du tribunal compétent.

La chambre internationale propose en outre une certaine agilité dans le processus. Une place est faite à l’oralité des débats, en ce compris l’audition de témoins. Le français reste la langue de rédaction des décisions. Elles pourront facilement donner lieu à une traduction.

Les  entreprises peuvent être à l’initiative de cette évolution, par le biais de leurs avocats. Ils peuvent être force de proposition sur les nouvelles pratiques et les nouvelles manières de faire. Même si la procédure reste évidemment  encadrée par le code de procédure civile, celui-ci regorge de potentialités encore inexploitées.

À l’instar de la justice arbitrale, la chambre internationale de la Cour d’Appel peut faire preuve d’exemplarité. Tout d’abord dans l’administration de la preuve. Ensuite dans la gestion du temps du procès et l’interprétation des contrats. Ceci permettra de répondre aux exigences de célérité et de pragmatisme des entreprises.

En effet elles sont en concurrence directe avec les juridictions de Common Law et les tribunaux arbitraux.

Il en va de leur attractivité.

Opérations financières

Un point notable : le nouveau contrat type d’opération financière, publié par l’ISDA (International Swaps and Derivatives Association). Il est désormais régi par le droit français et non plus le droit anglais ou new-yorkais.

Cette instance représente autant les banques que les utilisateurs finaux. Elle est régulièrement sollicitée par les régulateurs et notamment le FSB (Financial Stability Board). Notamment pour mettre en œuvre au plan contractuel les normes et règles régissant les marchés financiers.

Le nouveau contrat contient une clause d’attribution de compétence. En première instance en faveur de la chambre internationale du tribunal de commerce de Paris. Et en appel, à la chambre internationale de la cour d’appel de Paris.

C’est un des effets de la perte par le Royaume-Uni du bénéfice du système de coopération judiciaire européen. Celui-ci assure l’exécution automatique et immédiate de toute décision de justice rendue par juridictions de l’Union sur son territoire.

Certes les dispositions de la Convention de La Haye permettent d’accéder à des formalités simplifiées d’exequatur. Mais l’exécution automatique et immédiate du système de coopération judiciaire européen évite les aléas, les délais, et les coûts supplémentaires.

Bilan

Au 24 novembre 2021, le rôle de la CCIP-CA comprend 187 affaires dont 98 recours contre des sentences arbitrales internationales.
153 arrêts ont été rendus au 24 novembre 2021, 27 arrêts concernent des décisions sur la compétence (17,6% des arrêts), 55 arrêts (35,9% des arrêts) sont relatifs à des sentences arbitrales internationales, 12 à des sentences arbitrales internes (7,8% des arrêts) et 59 arrêts (38,6% des arrêts) pour les autres contentieux au fond.

La durée des procédures est de 5,7 mois en moyenne pour les appels sur la compétence, 23 mois en moyenne pour les recours en annulation de sentences arbitrales internes et internationales et appel d’ordonnances d’exequatur et 14,3 mois en moyenne pour les autres contentieux. 

Aménagement procédural

C’est un des points forts du système. Le juge expert peut entendre les parties dans la langue des affaires, ce qui est rassurant pour elles. En outre, des modes plus proches de ceux auxquels elles sont habituées à régler leurs litiges dans d’autres peuvent être utilisés. Cela se rapproche des pratiques utilisées dans les pays de common law. Il s’agit principalement des auditions de témoin, expert, administration de la preuve, fast track, etc).

À la manière de l’arbitrage, la réussite du processus dépendra des dispositions des plaideurs devant la chambre internationale. Favoriser l’application du protocole pour ne pas en faire un moyen de contrecarrer l’adversaire.

L’avantage essentiel du processus est :

  • L’encadrement obligatoire du calendrier (comme en matière d’arbitrage).
  • Une flexibilité sur l’utilisation de la langue tant au niveau des plaidoiries que dans les pièces à produire
  • Economie de coût important de traduction.
  • L’autorisation d’une forme limitée de Discovery permettant au juge d’ordonner, sur accord des parties, certaines catégories identifiées de documents.
  • Permettre les auditions de témoins et certaine forme d’examen croisé de témoins.

À ce stade les protocoles ne prévoient pas la faculté d’introduire des clauses contractuelles prévoyant un accord irrévocable des parties de la signature du contrat à l’application des protocoles en cas litige.

S’engager dans cette pratique est un moyen d’éviter de se voir imposer le choix d’avocat étranger plutôt que d’avocat français pouvant plaider en anglais devant les chambres.

Attentes du marché

Certains litiges sont internationaux par nature. Il s’agit particulièrement les opérations de produits dérivés et du contrat ISDA. Ces opérations se rapportent en effet à des marchés globaux.

Un point ne manquera pas d’intéresser les opérateurs. Le protocole de procédure peut donner de la visibilité sur la mise en état du litige. La fixation de la date à laquelle le jugement du tribunal de commerce ou l’arrêt de la cour sera prononcé peut être proposé en amont.

Le développement de l’examen des contentieux internationaux devant les chambres internationales est une opportunité. Il permet de dynamiser le contentieux dans les matières essentielles des biotechnologies, du numérique et de la finance. Une nouvelle jurisprudence française sur ces sujets contribuera à développer l’adaptabilité et le rayonnement du droit français. En effet, il a été jusqu’à encore récemment plutôt évincé. Notamment au profit des ordres juridique et judiciaire réputés plus expérimentés comme la Court of London. Il est temps pour Paris de regagner en influence.

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