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Comment négocier un contrat international?

Les particularités du contrat international le rendent plus complexe qu’un contrat interne de la vie des affaires. Ce contrat est en contact avec un ou plusieurs ordres juridiques étrangers.

Prenons l’exemple d’un contrat conclu à Paris entre un Français résidant en France et un Hollandais résidant au Pays Bas. En vertu de ce contrat international, l’Italie est le pays de livraison et la France celui règlement. Ce contrat présente des liens avec trois pays et donc trois systèmes juridiques.

Nous envisagerons d’abord la négociation du contrat international. Puis nous déterminerons le champ des possibles eu égard aux nombreuses règles applicables. Enfin, nous expliquerons comment maîtriser le déroulement de la négociation contractuelle internationale.

Préparation du contrat international

L’environnement contractuel international

La dimension culturelle et juridique des pays concernés doit impérativement etre prise en considération. En effet, le droit et les contrats ne sont pas conçus de la même façon en fonction des pays. Ils varient en fonction de leurs conceptions philosophiques ou techniques respectives.

Pays de droit codifié (ou pays de civil law)

Il s’agit de la France et de la plupart des pays d’Europe (sauf l’Angleterre), de l’Amérique latine, d’une partie de l’Afrique, de la Turquie, de l’Indonésie.

Dans ces pays, le principe est la caractère supplétif des règles codifiées. Pour beaucoup, et notamment en matière contractuelle, elles ne s’appliquent que si les parties n’en ont pas décidé autrement. Ces règles sont donc supplétives.

Pays de common law

Le contrat tient lieu de loi pour les parties et doit être exécuté de bonne foi. La responsabilité contractuelle est engagée s’il y a manquement au contrat, sauf cas de force majeure. En cas de préjudice, il devra être compensé par l’allocation de dommages-intérêts. Sauf à imposer la poursuite de l’exécution du contrat. Formellement les contrats sont plutôt courts.

Dans ces pays (Royaume-Uni, Etats-Unis, Canada, Australie, Inde, Afrique du Sud, etc.), la règle de droit est traditionnellement le fait du juge.

Les recueils de décisions de jurisprudence contiennent les précédents. Ce sont les cas analogues dans lesquels il a été dégagé un principe juridique de référence pour les autres juges.

Formellement les contrats seront longs afin de tout y prévoir et éviter les interprétations par les juges.

Pays islamiques

Il existe un lien intime du droit et de la religion dans les pays de confession musulmane. Il explique l’extension du droit canon aux affaires du monde.

L’œuvre des juristes est un effort de découverte et de formulation à partir des sources originelles. S’il y a divergence entre doctrine et jurisprudence, c’est la doctrine qui prévaut.

Pays communistes

L’interférence de l’interprétation cléricale est toujours possible même si le contrat doit refléter l’accord des volontés.

Le droit y est une contingence de l’ordre nouveau prôné par l’Etat qui a la mainmise sur le commerce international. Son pouvoir s’exerce par le biais d’organisations d’Etat pour l’importation et l’exportation de biens et de services.

Chine et Japon

Le droit n’est pas la référence naturelle. Les Chinois ont toujours préféré au droit une éthique de comportement plutôt qu’un contrat social. Elle est constituée par un système de principes moraux de comportement. Les règles du « milieu » déterminent le comportement de chacun pour le respect de l’ordre social garanti par l’Empereur. La résolution des conflits est conduite par application de principes « harmoniques » connus et appliqués par le clan ou le « milieu ».

Les contrats y sont évolutifs. Ils sont déterminés davantage  par une bonne relation d’affaires où chacun trouve son compte plutôt que par un texte. En outre, les différences culturelles avec le Japon entraînent un processus de négociation contractuelle en quatre phases :

  • la nécessité de faire connaissance avant toute discussion d’affaires ;
  • le stade de l’information, où les parties vont chercher à découvrir ensemble leurs besoins et souhaits respectifs ;
  • le stade de la persuasion de l’autre ;
  • la phase finale des concessions et de la conclusion d’un accord.

Appréhender l’environnement juridique et judiciaire de la négociation internationale

En présence d’un élément d’extranéité, quelle sera la loi applicable ? celle du lieu de conclusion du contrat, de son lieu d’exécution, la nationalité des parties, ou encore une clause du contrat la désignant?

La question du conflit de lois est la première question que doit se poser un juge. C’est lui qui est en charge de l’interprétation d’un contrat international.

Et quelle sera la juridiction compétente pour statuer sur le litige relatif à ce type de contrat ? par le lieu de conclusion du contrat, son lieu d’exécution, le lieu où les parties sont domiciliées, celui où est situé le bien objet du contrat ou encore une clause compromissoire ? La question du conflit de compétences est la seconde.

Le conflit de lois

Il convient de faire l’inventaire des diverses règles juridiques (nationales, européennes, et internationales) applicables à un contrat international. Puis d’analyser la façon dont elles s’articulent entre elles.

Certains juges utilisent des indices de rattachement pour rattacher un contrat à un droit national (par exemple, le lieu de signature, la langue utilisée). D’autres estiment qu’il y a plutôt lieu de considérer globalement quelle est la loi appropriée.

Ainsi, à côté des diverses lois nationales, existent certaines règles communes ou uniformes organisées contractuellement par des volontés étatiques concurrentes, mais momentanément convergentes. Ce sont les conventions internationales, ayant le plus souvent une autorité supérieure à celle des lois. Soit elles contiennent des règles « conflictuelles », permettant de résoudre ces conflits de lois ; soit des règles « matérielles », qui sont comme des lois internationales et qui prévalent sur les lois nationales ou suppléent à leur concurrence et à leurs divergences.

Par ailleurs, l’Union Européenne est une autre source importante de normes juridiques supérieures aux lois nationales. Elles peuvent être qualifiées : soit de droit originaire, c’est-à-dire de normes qui découlent des dispositions mêmes des quatre traités fondateurs (Rome, Maastricht, Amsterdam, Nice) et de l’Acte unique ; soit de droit dérivé, c’est-à-dire de normes contenues dans les règlements, directives ou décisions communautaires pris par les organes investis des pouvoirs correspondants et prévus par les traités, qu’il s’agisse du Conseil ou de la Commission.

Les deux piliers de l’ordre juridique européen sont la primauté et l’applicabilité directe. Elles s’ajoutent aux principes généraux de subsidiarité et de proportionnalité énoncés à l’article 5 du traité de Maastricht.

Incoterms

La Chambre de commerce internationale (ci-après dénommée « CCI ») a rationalisé les pratiques commerciales internationales. Elle a fait œuvre normative notamment en matière de vente de marchandises, au travers des international commercial terms (« INCOTERMS »)*. Permettant de répondre aux questions suivantes : qui paie quoi ? qui supporte le risque ? qui, de l’acheteur ou du vendeur, fournit quel document ?

La CCI joue aussi un grand rôle en matière d’arbitrage international. Elle a donné lieu au développement d’une nouvelle loi des marchands universelle et transnationale déclarée au fur et à mesure des diverses sentences arbitrales rendues sous l’égide de la CCI, la lex mercatoria. Celle-ci est constituée de :

  • UNIDROIT (Institut international pour l’unification du droit privé) a publié des principes visant à fournir un corpus juridique commun applicable aux contrats du commerce international à vocation mondiale ;
  • pour l’Union Européenne, ce sont les principes européens du droit des contrats.

Le conflit de compétence

Quel est le juge susceptible de faire respecter et exécuter le contrat ?

C’est le juge national qui devra, parfois, appliquer les lois internationales que sont les traités ou conventions, et apprécier la sanction contractuelle.

Par principe, en droit français, le tribunal compétent est celui du domicile du défendeur. Mais il existe aussi des dispositions de droit interne qui confèrent un pouvoir attractif aux juridictions nationales, tels les articles 14 et 15 du Code civil qui confèrent aux français un privilège de juridiction.

En cas de conflit entre des juridictions concurrentes, il peut se trouver que les Etats acceptent de convenir entre eux de mécanismes de répartition de compétences juridictionnelles. Ce sont les conventions relatives à la compétence judiciaire et à l’exécution, comme les conventions de Bruxelles et de Lugano ou le Règlement Rome I, qui communautarise la question.

La libre détermination de la norme contractuelle internationale

Le contrat international choisit la loi applicable entre les parties. Ses dispositions permettent de déroger aux dispositions de la loi nationale applicable.

Cependant, il existe des interférences de l’ordre public international que l’autorité publique souveraine nationale entend faire respecter internationalement, compte tenu des impératifs de l’entente entre les nations et de la tolérance induite qu’elle suppose.

La libre détermination de la justice contractuelle internationale

De la même façon que, par le biais contractuel, le négociateur peut largement s’affranchir des normes nationales, il pourra également s’affranchir des strictes règles relatives aux juridictions nationales pour régler les différends, et ce de trois façons : voie  amiable, judiciaire, ou arbitrale.

L’intérêt de choisir son juge est de sécuriser le forum judiciaire. Ceci afin d’éviter le forum shopping, c’est-à-dire la recherche d’un tribunal qui acceptera compétence pour connaître de l’affaire. L’intérêt est donc de minimiser les risques de se voir refuser l’accès à tel tribunal national au motif de forum non conveniens. Selon ce principe de common law, le juge en cause peut se considérer comme n’ayant rien à voir avec l’ensemble contractuel que l’on désire lui soumettre.

Mise en œuvre de la négociation internationale

Quelles techniques de négociation appropriées du contrat international ?

Nous préconisons de suivre la méthode d’élaboration des décisions opérationnelles. L’idée est d’ouvrir le champ de réflexion en fonction du contexte donné. Mais aissi en fonction de l’effet majeur recherché (par chaque partie) par la mise en œuvre du contrat. Ceci permet de répondre aux véritables objectifs préalablement définis et de trouver des solutions efficientes.

Procéder à un travail d’identification des bénéfices mutuels attendus avant de passer à la formalisation des accords est essentiel. De même, travailler en mode gestion de projets et selon un processus itératif est vivement recommandé. Un investissement plus conséquent au moment des préparatifs fera gagner un temps précieux au moment de la mise en forme de l’accord.

Les parties devraient attacher de l’importance à créer un cadre d’échange favorable à un travail en intelligence collective. C’est à dire un cadre confortable, collectif, calme et lucide. La maitrise de ce type de processus par au moins un des intervenants pour chaque partie s’avèrera un avantage majeur.

Négociation transnationale : au-delà de la langue

Un contrat international met en présence des parties appartenant à des systèmes juridiques différents et s’exprimant souvent en des langues différentes.

Si l’anglais est le langage le plus utilisé, il peut être source de difficultés. Celui-ci véhicule des concepts de common law qui ne sont pas forcément familiers à ceux de nos partenaires qui n’appartiennent pas à cette culture juridique, des variations syntaxiques et subtilités culturelles.

Respect du savoir-être local

On ne répètera jamais trop combien ce facteur est déterminant dans l’issue de la négociation. L’enjeu est de faire des différences culturelles un atout dans la négociation pour garantir la bonne exécution de ces contrats. Savoir s’adapter à des cultures variées dans la conception du contrat est un avantage majeur.

Une bonne pratique est de respecter le protocole hiérarchique du pays dans lequel on se trouve, être à l’écoute et afficher une certaine modestie.  Les rapports doivent être simples, cordiaux, directs, sans prégnance de la hiérarchie. Une pointe d’humour mesuré n’est pas à exclure !

Rédaction de documents pré-contractuels de la négociation internationale

La préparation est encore un élément essentiel au stade de la progression des pourparlers. Il peut s’agir des écrits ou des contrats préparatoires formalisant les étapes de la négociation et des points sur lesquels les parties sont arrivées à un accord. C’est un passage nécessaire et primordial dans la réussite de la formalisation des accords ultérieurs.

En cas de litige, les magistrats apprécient toujours la valeur d’un écrit en fonction de son contenu et non de son titre.

Il peut s’agit d’un pacte de préférence, d’une promesse de contrat, d’un contrat préliminaire ou encore d’un accord à parfaire.

On s’arrêtera un instant sur le contrat cadre. C’est un accord aux termes duquel les parties fixent pour une durée déterminée les conditions essentielles des contrats à intervenir entre elles. Celui-ci fixe la cadre des contrats d’application subséquents. Ses clauses peuvent consister en une obligation de conclure ou de négocier les contrats d’application, contenir une clause d’exclusivité, fixer les quantités minimales ou maximales à livrer.

Le contrat de base est rencontré souvent dans les transferts de technologie et décrit les objectifs de la coopération envisagée entre les parties. Y sont prévus, avec plus ou moins de détails, les moyens qui seront mis en œuvre pour atteindre ces objectifs. Préalable à la déclinaison des contrats d’application (contrats de licence, de know how, de management), ces derniers conditionnent la réalisation des accords.

Anticiper les points de frictions des négociations du contrat international

Avant le contrat

La phase d’avant-contrat permet d’anticiper les problèmes possibles de la relation contractuelle internationale.

La capacité préventive et curative des accords passés dépend de plusieurs paramètres. Engagement des parties à travailler la précision des termes utilisés, choix des définitions, description détaillée du contenu des obligations et modalités de leur exécution.

Point supplémentaire concernant le choix de la langue : le fait qu’une des parties ne comprenne pas la portée de l’acte qu’elle signe entraînant sa nullité (CA Paris, 2e ch., sect. B, 30 nov. 2006, Feferman c/ Palomo Garcia : JurisData n° 2006-321140. – JCPE 2007, 1181).

En cas de divergences entre deux ou plusieurs versions linguistiques faisant également foi (ou de version d’un contrat dont aucune n’est déclarée faire foi, préférence est donnée à l’interprétation fondée sur une version d’origine ou à l’interprétation fondée sur la version qui a été écrite en premier.

Il sera utile de définir dans le contrat le sens que les parties donnent à certains termes. Comme par exemple la force majeure, qui n’a pas exactement le même sens en français et en anglais.

Le choix de la loi applicable peut avoir des conséquences juridiques et financières importantes.

Celui du mode le mode de règlement du différend international devrait naturellement dépendre du choix de la loi applicable.

On notera que les chambres de commerce internationales parisiennes sont à même de traiter des litiges internationaux, même en langue anglaise.

Le facteur temps

Le temps est un élément à prendre en considération lors de la négociation de tout contrat dont l’exécution n’est pas instantanée.

Les parties sont conseillées de se poser certaines questions en amont. Prix de la marchandise ou de la prestation objet du contrat, indice prévu au contrat qui évolue de manière imprévue, monnaie dont la parité est modifiée brutalement, politique d’un Etat qui supprime ou restreint certaines autorisations d’importer ou d’exporter, ou qui décide d’un embargo: autant de facteurs de risques à ne pas négliger.

Les règles posées par les Principes d’Unidroit ou les Principes européens sont source d’une aide précieuse.

Garanties d’exécution propres aux contrats internationaux

Les garanties d’exécution du contrat de vente internationale peuvent avoir une nature contractuelle (crédit documentaire et la garantie à première indépendante ou à première demande) ou résulter d’autres mécanismes de crédit et d’assurance.

Monnaies et modalités de paiement

Pour prévenir le risque de change lorsque le paiement s’effectuera en devises étrangères, il faudra vérifier en amont de la possibilité de rapatrier ces devises et les convertir dans sa propre monnaie.

Le contrat fixera également les modalités du paiement, qui varieront selon que les parties au contrat bénéficieront ou non d’un crédit.

Encore une fois, prendre le temps nécessaire en amont de la signature des accords fera gagner un temps considérable lors de la mise en œuvre et évitera forcément un certain nombre de déconvenues.

*pour aller plus loin sur les INCOTERMS: https://www.douane.gouv.fr/les-nouvelles-regles-incotermsr-2020-et-la-valeur-en-douane

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